LA CITE A FERME SES COLONNES
TELLIER, DIDIER

Vendredi 29 décembre 1995
Disparition de l'hebdomadaire du MOC

"La Cité" a fermé ses colonnes

Rideau. Après avoir entretenu, pendant quarante-cinq ans, la flamme démocrate-chrétienne dans le paysage de la presse belge francophone, "La Cité" tire définitivement sa révérence. Barré d'un " adieu" en couverture, le numéro du 28 décembre 95 n'aura pas de suivant.

Le verdict était tombé il y a un mois. La direction n'avait pu que constater l'érosion continue du lectorat et l'échec de la dernière tentative de relance. Au début de l'été, à l'insu de la rédaction (hormis du rédacteur en chef Jos Schoonbroodt), le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) avait signé un accord de coopération avec la société Belgomédia (éditrice de Télépro) dans l'espoir de redynamiser le titre, qui se serait mué en hebdo familial. Le test de marketing tenté quelques semaines plus tard (une mini-"Cité d'aujourd'hui" distribuée dans les paroisses) n'avait pas soulevé l'enthousiasme.

Née en 1950 à l'initiative de la CSC pour constituer le pendant francophone de "Het Volk", "La Cité" s'était lancée sous la forme d'un quotidien. Créée pour exprimer l'opinion des "travailleurs chrétiens de Wallonie", elle devint rapidement et naturellement la voix de tous les exclus de la société : victimes de l'inégalité, de l'injustice, de la misère, de la maladie, de l'inculture, du racisme, de la violence, rappelle Jean Heinen, qui, à la suite de William Ugeux, dirigea la rédaction du quotidien, de 1955 à 1988.

"On ferme", titra une première fois le journal, en 1987, un an après avoir tenté une ultime rénovation, l'oeil gourmand, se souvient Jean-François Dumont, secrétaire de rédaction de l'époque, vers le "Libé" de July (le modèle a aujourd'hui la santé chancelante quand l'émule sombre), un autre vers le "Morgen" de Goossens. Mais le slogan de la révolution tabloïd, "quand on aime, on a toujours vingt francs", n'avait convaincu que 5.500 abonnés.
Pendant huit années, de 88 à 95, la CSC francophone (celle de Robert D'Hondt) consentit encore à faire vivre le titre comme hebdomadaire, tiré à 15.000 exemplaires. Un marché insuffisamment attractif pour intéresser les publicitaire. Leur propos est de promouvoir les intérêts commerciaux de leur clients. Il se fait qu'en sélectionnant leurs cibles, ils éliminent la diversité des opinions, déplore le dernier éditorial du rédacteur en chef Jos Schoonbroodt.

Peu de médias auront pourtant, comme "La Cité", joué le rôle de pépinière des talents journalistiques. Au fil des périodes, les noms de Luc Varenne, de Jean Tordeur, Frédéric François, André Méan, Jean-Paul Marthoz, Jean-Paul Duchâteau, ou Colette Braeckman sont apparus dans l'histoire du journal.

Avec la mort de "La Cité", notre seul vrai chagrin est de voir perdue pour la gauche chrétienne la seule voix qui la représentait encore dans la presse d'information générale, regrette Anne-Marie Pirard, la présidente de la Société des rédacteurs. Comme presse d'opinion, notre force était de n'être intégrés dans aucune structure, aucun appareil politique ou syndical. C'était sans doute aussi notre faiblesse. C'est vrai, nous n'étions guère lus par "la base", et la présentation des articles, si fouillés soient-ils, pouvait rebuter le lecteur pressé. Mais les profs, les assistants sociaux, les "cadres" des milieux associatifs nous lisaient et nous appréciaient.
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