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FREDERIC FRANCOIS DANS LE PANTHEON DE
VIDEOTHEQUE FREDDY, TEL QU'EN LUI-MEME
BRAECKMAN, COLETTEV


Vendredi 13 mars 1992
Frédéric François dans le panthéon de "Vidèotheque"
Freddy, tel qu'en lui-même...

L'émission sur la télé consacre deux soirées à Frédéric François, spécialiste-ès-Zaire de la RTBF. Parcours.

Veuillez nous suivre, avec toute votre équipe... Il n'y a pas si longtemps que dans le hall d'un grand hôtel de Kinshasa, des "sbires" peu amènes, la joue barrée d'un sparadrap, des épaules de lutteurs, abordaient sans ménagement Frédéric François qui à côté de ces matamores, paraissait plus fluet encore. Mais il fallait plus que cette injonction péremptoire pour démonter un journaliste qui en avait vu d'autres.
Avant même que les "sbires" aient compris sa réaction, notre collègue se retrouvait dans sa chambre, devant son téléphone: l'alerte était donnée. Aussitôt, le tam tam, diplomatique, médiatique et autre entrait en action et il ne fallut guere de temps pour que les agents de la Sureté soient identifiés comme "des individus non identifiés", totalement inconnus du pouvoir, qui s'excusait de l'incident. Mais voyons... Peu après, d'autres "sbires" prenaient la relève. L'incorrigible Freddy, au lieu de suivre sagement les travaux de la Conférence nationale et de rester bien en vue sur les travées du palais du peuple, s'était mis en tête de s'en aller dans le Bas-Zaire, du côté de Matadi.

Alerte générale! N'allait-il pas risquer de rencontrer ainsi des villageois supposés, eux, au contraire des esprits frondeurs de Kinshasa, soutenir encore le régime? N'allait-il pas interroger des gens vetus pauvrement, s'exprimant dans un français laborieux mais qui, avec leurs mots simples allaient répéter la même chose que le petit peuple turbulent de la cité: leur espoir de changement.

Insupportable journaliste! Vouloir rechercher la vérité au delà des apparences, fréquenter le petit peuple et non les porte-parole officiels, poser à tous les questions qui dérangent, s'agiter comme un débutant lorsqu'on l'empeche d'aller où il l'entend, de travailler à sa tête, voilà de quoi devenir indésirable et notre collègue n'ignorait pas le risque qu'il prenait en agissant de la sorte. Mais on ne se refait pas, surtout après tant d'années...

L'émission "Vidéotheque", qui durant deux soirées trace le portrait de l'impertinent révèle avant tout une chose, réconfortante: même si le cheveu grisonne, si les lunettes tentent de masquer le feu du regard, l'homme ne change pas. La meme inquiétude l'habite, la même passion de son métier. Une passion qui finalement, après un détour par la politique, l'a ramené, heureux et modeste, dans ces sentes malaisées du journalisme quotidien, lui qui, littéralement, avait connu un train de sénateur...

Tout au long de cette émission qui n'a rien de complaisante, de narcissique, c'est une leçon de modestie, de lucidité que donne Frédéric François, qui ne craint pas de rappeler ses erreurs de l'époque, ses naivetés, qui semble prêt à rire encore de ses impertinences, de ses audaces d'alors et ne renie pas ses enthousiasmes. C'est dans les colonnes du quotidien "la Cité" que "Freddy" commence sa carrière. Il a 18 ans, les dents longues, une débrouillardise hors du commun, il fait partie d'une équipe jeune et enthousiaste.... Ce gamin maigre ne recule devant rien. Il file sur la Hongrie d'alors, pratiquement à ses frais, fonce sur Marcinelle, ne rate pas l'indépendance du Congo. Et se retrouve, très jeune encore mais avec déjà dix ans d'expérience, dans une RTB où commence l'aventure de la télévision. Très vite, Frédéric François comprend que la TV, ce n'est pas de la radio avec des images et, alors que d'autres n'ont pas encore réalisé le pouvoir qui leur échoit, - plus tard ils s'en gorgeront -, lui, il crée l'évènement. Avec rien, presque par hasard. Il y a de ces petites questions qui nous sont restées dans l'oreille, de ces débats dont les hommes politiques de l'époque ne se sont pas encore remis. Quel régal de revoir François Mitterrand, prétentieux secrétaire du parti socialiste, tomber soudain de haut et s'étonner de la "malignité" des questions de ce "petit Belge". Quel plaisir de redécouvrir la verve de "VDB", le "temps des assassins" de Théo Lefèvre. Le regard de Frédéric François et Michel Franssen, c'est aussi une histoire de la télévision: c'est avec ces journalistes là que la "boïte à images" est devenue une faiseuse sinon une défaiseuse de rois. C'est depuis lors aussi, et aujourd'hui encore, que les hommes politiques tentent de séduire ou de mater les impertinents qui cachent leurs peurs et posent les vraies questions...

COLETTE BRAECKMAN


"Vidéothèque", RTBF 1, 22 h 50.

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